Samba Sadio -11 février 1875

Projet d’exposition participative au Sénégal de biens culturels conservés dans les musées de Dunkerque 

A l’origine du projet

Au cours d’un projet socio-culturel sur l’héritage de Louis Faidherbe*, général Lillois qui fut le gouverneur emblématique de la colonisation du Sénégal du milieu du 19e siècle, Alter Natives a identifié une collection particulière à Dunkerque. Il s’agit de huit biens pris sur le champ de bataille de Samba Sadio, qui opposait le 11 février 1875 les troupes de Lat Dior, damel du Cayor et l’armée française, à l’armée du chef religieux tijane Amadou Cheikhou Ba. Cet ensemble a été rapporté par le neveu du général, Émile Faidherbe, qui a participé à cette bataille et en a fait don à son retour en France.

Après une première enquête sur place, Alter Natives a invité en mai 2024 deux référents de musées Sénégalais, le directeur de musée de Thiès et le conservateur du musée du CRDS de Saint-Louis, à venir observer la collection à Dunkerque, accueillis par les responsables du musée**.

L’idée de poursuivre l’enquête sur cet ensemble au Sénégal et de construire une exposition qui prendrait en compte les divers récits de cette histoire a semblé alors pertinente au consortium ainsi réuni.

 

 

* en 2021 Alter Natives et le lycée Taiba ICS de Mboro organisaient une rencontre  de jeunes Franciliens et Mborois pour réfléchir ensemble sur l’histoire du gouvernorat de Faidherbe au Sénégal, qui a amorcée une phase de recherche sur des collections patrimoniales conservées à Lille et Dunkerque, financée en 2022 et 2023 par Open Society Fondations et les fonds propres de l’association. 

** Grâce au projet Sur l’héritage de Faidherbe,  financé par l’institut Français du Sénégal, dans le cadre de la première tranche du projet «Muslab : Coopération Muséale Innovante » qui vise à la circulation du patrimoine Sénégalais dans les divers régions Sénégal .

La collection 

 Le don d’Émile Faidherbe comprend les 8 biens culturels suivants :« une selle du Soudan, une planchette pour apprendre à lire le coran aux enfants, un sac à balles, un marteau, un portemonnaie renfermant un papier sur lequel sont inscrits les versets du Coran, un sac à balles (renfermant des balles et une pierre à fusil en silex), un collier d’amulettes de guerre (grisgris), bride et mors du Soudan ». Le registre contemporain stipule aussi que ces éléments ont été « trouvés sur le champ de bataille de Boumdou, près Coki, province du Diambourg Sénégal, donné par M Faidherbe capitaine et Spahis sénégalais 1875. »

Ces biens en cuir et métal, ont été manifestement pris sur des corps de guerriers ennemis et sur leur monture.

Le contexte de l’acquisition des biens

 En 1875 la France contrôle une partie du Sénégal à partir de Saint-Louis afin de permettre aux commerces coloniaux de prospérer. Mais elle fait face à plusieurs courants de résistance, notamment au djihad tijane d’Ahmadou Cheikhou Ba, qui veut étendre son influence sur les terres du Cayor alors dirigé par le damel Lat Dior, allié aux français.

La bataille de Samba Sadio a lieu le 11 février 1875 : elle opposa donc les forces françaises dirigées par le lieutenant colonel Charles Begin et associées aux troupes de Lat Dior et sa coalition, à l’armée d’Ahmadou Cheikhou. Cette bataille se trouve bien documentée dans les archives françaises et a été très relayée dans la presse de l’époque.

 

 

 

 

 

Sur place, il existe une mosquée dédiée à Ahmadou Cheikhou dans laquelle ses descendants et la communauté des Madiyankoobé commémore sa disparition chaque 11 février.

Par ailleurs les habitants du village de Samba Sadio témoignent de la présence de balles et d’ossements régulièrement trouvés dans la zone.

Ainsi Émile Faidherbe s’est illustré au cours de cette bataille et rentre en France en août 1875 pour recevoir une décoration, mentionné dans la presse lilloise. Son oncle réside alors régulièrement à Dunkerque, aussi il est probable que ce soit à l’occasion d’une visite à ce dernier qu’il ait décidé de donner ces biens à la ville.

Ecrire un récit commun

 La démarche inclusive nécessite un dispositif progressif de mobilisation.

Au cœur de ce projet se trouvent des jeunes accompagnés par l’équipe d’Alter Natives dans leur découverte des sources et leur enquête au Sénégal.  Le groupe d’une quinzaine de jeunes de 17 à 25 ans est constitué à partir d’un noyau d’anciens membres d’Alter Natives ayant participé à la recherche sur l’héritage de Faidherbe et de jeunes des villes de Thiès, Saint Louis et Dunkerque. Ces derniers seront touchés par le biais des lycées et d’association locales identifiés par les musées partenaires ou Alter Natives. Ces jeunes mobilisés vont se réunir régulièrement aux musées et échanger pendant plusieurs mois par visio pour s’approprier ces contenus, avant de se retrouver en avril pour 15 jours d’enquête et de réalisation de l’exposition.

Par ailleurs il convient d’identifier des personnes ressources issus des familles des guerriers qui ont pris part à cette bataille, que ce soit du côté de Lat Dior comme ceux du côté d’Amadou Cheikhou et de les associer au processus de narration de l’histoire.  Cette identification se prépare en amont en prenant un large conseil auprès d’historiens et de représentants de communautés au Sénégal.

Le dialogue des sources sera réalisé in situ en amenant les diverses personnes identifiées à échanger avec les jeunes sur les modalités de cette histoire.  A partir de séquences filmées, ils vont alors coécrire un récit qui sera partagé régulièrement au sein d’un comité de pilotage de l’exposition.

Cet organe se constitue des représentants des diverses parties -prenantes : référents de musées de Saint-Louis, de Thiès et de Dunkerque, des délégués des jeunes portant le projet, l’équipe impliquée d’Alter Natives et des personnes ressources référentes. Les représentants des tutelles telles que le service du patrimoine du Ministère de la jeunesse et des sports et de la culture, l’université Gaston Berger, mais aussi les gouverneurs de Saint-Louis, Thiès et Louga et l’ambassade de France seront invités également à prendre part aux réunions majeures du comité coordonné par Alter Natives.

Au cours de l’exposition à Thiès et Saint-Louis des temps de partages avec les communautés permettront éventuellement de compléter certains propos, repris dans des panneaux, afin que chacun se retrouve dans l’histoire proposée.

Réaliser une exposition de ces biens dans les musées de Thiès et Saint-Louis

La première étape est une mission confiée à une conservatrice-restauratrice spécialiste de conservation préventive de collections ethnographiques africaines. Il s’agit de réaliser un protocole concernant le transport des biens de Dunkerque aux musées Sénégalais et les modalités de leur accueil dans les deux musées (climat, sécurité, assurance, etc). Elle sera réalisée la première semaine de décembre 2024 afin de laisser le temps aux musées d’adapter leur infrastructure à l’arrivée des biens, prévus à partir d’Avril 2025.

L’exposition -basée sur l’ensemble de ces sources, les biens sous vitrines et des écrans présentant des capsules vidéos des enquêtes réalisées- sera installée à partir d’avril à Thiès et inaugurée avec l’ensemble des parties-prenantes et en présence de la responsable des collections de Dunkerque.

Puis au bout de 6 mois l’exposition rejoindra Saint-Louis afin de toucher un autre public, accueillie par le musée du CRDS. Elle fera également l’objet d’un nouveau temps d’inauguration.

Au cours de l’exposition, des temps de médiation seront proposés par les jeunes de Thiès puis de Saint-Louis.

Impliquer des moyens financiers pour y parvenir

Ce projet ambitieux d’exposition est en partie financé par la suite du programme «Muslab : Coopération Muséale Innovante » porté par l’ambassade de France. Or, outre une contribution de la ville de Dunkerque, il nécessite des co-financements locaux pour réaliser le protocole de faisabilité d’accueil de ces biens dans les deux musées du Sénégal et l’adaptation éventuelle des musées selon ce protocole. Il sollicite également des contributions supplémentaires pour le coût du transport sécurisé de cette collection. La rencontre des jeunes et leurs déplacements pour les enquêtes pourront être cofinancés par des dispositifs français de mobilité jeunesse en contexte de Solidarité Internationale (Fonjep VVVSI).

Valoriser l’expérience et penser aux futurs de ces biens

Tout au cours du processus le consortium communiquera régulièrement auprès de la presse nationale et locale afin de préparer le grand public à l’arrivée des biens et leur exposition. Cette exposition sera démontée en 2026 pour être remontée à Dunkerque, ce qui lui donnera également un écho en France.  Un film sur l’expérience sera réalisé par Alter Natives et diffusé largement sur les réseaux. Les temps d’échanges publics seront aussi l’occasion de réfléchir à l’avenir de ces héritages culturels, et de faire émerger des propositions dont pourront se saisir les états.

Par ailleurs Alter Natives s’attache à poursuivre son enquête au Sénégal sur les biens collectés par le gouverneur Faidherbe, conservés par le musée d’Histoire Naturelle de Lille.

L’expérience de l’exposition des biens culturels des musées de Dunkerque pourra conforter la possibilité dans les années futures de venir exposer également cette collection lilloise plus conséquente.